Le Design Thinking pour réinventer le monde. L’expérience du Quartier de l’innovation

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Imaginez la scène.

Une salle bondée de plus de 150 personnes dynamiques. Chacun qui tente de faire valoir son point de vue pour gérer le pendant et l’après-COVID. «On pourrait aider les personnes âgées à profiter de la technologie». «Je propose qu’on se penche sur les défis des petits commerces et des achats locaux». «Comment réduire les cas de santé mentale»? Des images collées sur les murs partout. Des post-its qui témoignent des commentaires sur chaque image.

La cacophonie des 15 équipes de 5 personnes. Un animateur qui rassemble tout le monde dans la bonne humeur. Et ça finit qu’on écoute les pitchs finaux des participants auprès de comités d’experts intéressés. Un autre atelier de Design Thinking comme on les connaît si bien. Sauf que cette scène ne s’est jamais produite. En fait, pas physiquement en personne. Mais l’approche demeure la même. Et surtout, le plaisir de réinventer le monde ensemble.

L’expérience du Quartier de l’innovation.

Le Quartier de l’Innovation cherchait à rejoindre une centaine de personnes de sa communauté pour favoriser l’émergence de solutions novatrices visant à répondre aux enjeux engendrés par la crise de la COVID-19. C’est vers La Factry que s’est tourné Vincent Lafrenaye Lamontagne, Gestionnaire de projets du LabVI du Quartier de l’innovation. Son but était de réinventer la consultation publique pour en faire une activité ancrée à la fois dans l’idéation et dans le concret. «Le Design Thinking représente pour moi une des façons les plus simples et efficaces de faire de l’idéation collaborative. On n’arrive pas avec une solution toute faite qu’on essaie de faire passer à un focus group. On demande au public de créer quelque chose et on propose ensuite aux entrepreneurs et ingénieurs de réaliser les projets demandés. Ça nous permet aussi de cibler des personnes motivées qui peuvent faire partie de projets dans le futur», explique Vincent.

De concert avec l’équipe de la Factry, Hélène, Garance et Younouss, nous avons réinventé la formule des rencontres créatives à grand nombre en ligne.  La salle est devenue une rencontre Zoom, les murs d’images se sont transformés en documents partagés, les commentaires s’écrivaient en temps réel. La cacophonie? Inexistante. Les déplacements aussi. C’est ce qui explique que les participants provenaient réellement des 4 coins de la province, malgré que le Quartier de l’innovation est au coeur du centre-ville de Montréal. Prenez Karine Hamel, une participante, qui raconte qu’elle a été «interpellée par la notion de construire l’avenir avec des experts outillés pour réaliser la vision conceptuelle.»

Mis à part les éléments physiques, comment est-ce qu’on fait évoluer les 5 étapes du Design Thinking pour un grand groupe comme celui du Quartier de l’innovation?


L’empathie

Pour initier le Design Thinking, on commence par l’empathie. Dans ce cas-ci, on avait invité tous les participants à jouer au journaliste ou à l’enquêteur. Leur première mission était de trouver une problématique que vit une personne et de l’exprimer à l’aide d’une image.

La définition d’une problématique

Puis, à la première rencontre de groupe, on a formé des petites équipes de 5 pour passer à la deuxième étape du Design Thinking : la définition d’une problématique. Ensemble, ils ont construit une question porteuse qui centrait le problème sur les besoins de l’usager. Des questions très riches en sont ressorties : comment pourrions-nous permettre aux personnes âgées de briser l’isolement étant donné les mesures de confinement? Comment pourrions-nous permettre aux petits commerçants locaux d’adapter leurs offres aux nouveaux besoins post-COVID?

L’idéation

La prochaine mission était de faire un remue-méninges pour lancer des idées afin de répondre à cette question porteuse. L’idéation, c’est la troisième étape du Design Thinking. Les participants arrivaient avec leurs concepts et leurs images prêts pour une 2e rencontre en ligne. Et là, dans une forme de catharsis, l’équipe a co-créé une piste de solution qui alliait le meilleur de chacun. L’expérience de Jérôme Fancelli en dit long sur cette capacité de créer en équipe : « J’en retire principalement de l’expérience Innobleue des rencontres et des idées. J’ai eu la chance d’échanger mes idées avec celles des autres et de confronter ma vision à celle de mes co-équipiers pour en sortir le meilleur.» Selon Karine, «savoir jongler avec les caprices des neurones de chacun pour activer les synapses de la pensée créative est un art et une science, spécialement en groupe. Le Design Thinking dirigé livre des résultats tangibles.»

Le prototype

La quatrième étape est le prototype. Dans notre aventure, il s’agissait de préparer une histoire qui racontait comment la solution permettrait de répondre au besoin de l’usager.

Le test

On arrive à la dernière étape de la méthode où l’on passe au test. Est-ce que le comité d’experts voit du potentiel dans le concept présenté par l’équipe? Eh bien oui! Que dire de l’idée d’entreprise de services «Le Gendre» qui dessert les aînés tout en prenant soin de leur santé mentale. Et de l’idée de la boîte de produits des petits commerçants locaux qui peut faire voyager un délice de Milano de Rosemont vers Rose des vents. Et vice-versa, une camerise d’Alma vers Hochelaga. Pour mieux voir les idées, on a fait appel aux services d’un expert en synthèse graphique, François Cliche. Le résultat est disponible à ici.

Derrière cette initiative, il y a des gens vaillants comme Vincent du Quartier de l’innovation qui a eu le courage d’essayer une nouvelle formule. C’est d’autant plus louable dans un moment où l’incertitude est présente. C’est d’ailleurs lui-même qui le dit : «Malgré une contrainte de temps, on a réussi à créer une formule agile, réaliste et efficace. Je pense aussi que les gens qui ont participé à l’atelier en ont appris pas mal sur les démarches d’idéation. Une grande majorité de personnes ont dit qu’ils allaient utiliser les méthodes apprises durant Innobleue dans leur milieu de travail – et pour moi c’est déjà une grande victoire pour l’innovation au Québec». Karine mentionne également que « l’expérience des séances d’InnoBleue dans le cadre des projets du LabVI a démontré qu’avec le soutien scientifique, la transformation de l’imagination en innovation utile est à la portée de main.»

Nous espérons vous revenir dans quelques mois après s’être informés du progrès des participants. Comment ont-ils poursuivi leurs démarches et quels ont été les bienfaits de leurs solutions? À suivre !

Alexandre Joyce

Stratège chez Atelier.ad et maître d'atelier à la Factry

Stratège chez Atelier.ad. Alexandre Joyce est à la fois un designer, un stratège et un animateur. Il a complété son doctorat à l’Université de Concordia sur le design de nouveaux modèles d’affaires. Chez #DesjardinsLab, il travaille comme conseiller en innovation où il accompagne les équipes de projets de tous les départements à créer une vision, bâtir des produits et services et convaincre la direction pour faire avancer les projets.